samedi 15 novembre 2014

Rosetta: si seulement Philae avait une pile nucléaire


.. au lieu de panneaux solaires...

On a tous suivi cette semaine les fabuleuses aventures de l'orbiteur européen Rosetta et de son désormais célèbre petit atterrisseur Philae, qui a réussi l'exploit que l'agence spatiale européenne (ESA) lui avait demandé: se poser sur la comète 67P Churyumov-Gerasimenko (alias Chury pour les intimes)

Un peu d'histoire

Découverte en 1969 par deux ukrainiens comme étant la 67ème comète périodique repérée à l'époque (d'où le 67P), cette comète tourne autour du Soleil en à peu près 6 ans et demi, et depuis août dernier, elle est accompagnée de la sonde européenne Rosetta.

Jusqu'à la semaine dernière, Rosetta tenait sur ses flancs le robot Philae.

Rosetta et Philae, ont été conçus il y a 20 ans, et devaient au début atteindre une autre comète, nommée Wirtanen.

Rosetta a finalement été lancée en 2004 par une fusée Ariane 5 depuis Kourou, et pour ne pas dépenser trop d'énergie, elle a suivi un long périple gravitationnel de 10 ans et 6 milliards de km (soit la distance Terre-Pluton !) pour atteindre enfin 67P Churyumov-Gerasimenko l'été dernier.


C'est donc avec la technologie d'il y a 20 ans que ces deux engins spatiaux viennent ausculter Chury, qui pendant tout ce temps là, aura d'ailleurs tranquillement pu faire trois révolutions autour du Soleil .

Chury -  et ses deux nouveaux amis - passeront au plus près du Soleil le 13 août prochain, mais ils en seront quand même à ce moment là distants de 180 millions de km, donc plus que la distance moyenne Soleil-Terre (150 millions de km)

Le but de l'opération: forer pour la première fois l'intérieur d'une comète afin de l'analyser, chercher d'éventuelles molécules organiques complexes, et observer in situ son dégazage. Cela doit notamment permettre d'avancer dans la recherche de l'apparition de la vie sur Terre.




Son coût: 1,3 milliard d'€, soit environ un onzième de celui du scandale du Crédit Lyonnais, pour lequel la France (et donc les contribuables français) devra encore en décembre prochain emprunter sur les marchés 4,5 milliards d'€ afin de solder définitivement cette sombre et pitoyable histoire...

On pourrait également citer Executive Life, l'amende de BNP Paribas envers les USA, etc...

Donc Rosetta, c'est pas si cher finalement.



12 novembre 2014: rebonds et rebondissements

A l'heure convenue ce mercredi 12 novembre 2014, Philae se détache de Rosetta en direction du site choisi - récemment appelé Agilkia -, et uniquement sous l'effet de la gravitation et des lois de la mécanique magistralement domestiquées par le CNES: le Centre National d'Etudes Spatiales, il touche Chury dans le périmètre calculé. C'est un exploit. Une première mondiale. Une date historique pour le spatial, n'en doutons pas.




Malheureusement, Philae rebondit aussitôt et, au bout de plusieurs heures et rebonds, finit par s'immobiliser à plus d'un kilomètre de là (la comète ne mesure que 4 km sur 5 km environ), au pied d'une falaise, avec un pied en l'air, et dans un endroit peu éclairé par le Soleil.

Photo ci-contre: en rouge le premier posé, où Philae aurait dû rester, et en bleu, le périmètre où il se trouve désormais.




Du coup, sa première batterie ayant épuisé ses 60h d'autonomie, le petit robot n'a plus assez d'énergie pour fonctionner et, après avoir heureusement quand même pu envoyer les quelques données récoltées jusque là, Philae se met en état d'hibernation,

En effet, et faute de l'ensoleillement prévu, sa seconde batterie ne pourra pas être rechargée par ses panneaux solaires et Philae va donc rester endormi pendant .... un certain temps...

Pourtant le mieux situé puisque sur déjà place et en contact direct avec la comète, il ne verra donc rien du réveil progressif de Chury, au fur et à mesure qu'elle se rapprochera du Soleil. Seule Rosetta sera apte à le faire.

"On va attendre l'été"...

Dans quelques jours ou semaines, les scientifiques auront analysé les données envoyées in-extremis par Philae avant son hibernation et après quelques calculs géométriques,  on saura enfin quand Philae pourra peut être se réveiller, à condition d'obtenir un meilleur ensoleillement que celui qu'il connaît aujourd'hui. 

Dans plusieurs mois.probablement. D'après l'ESA, "on va attendre l'été".



D'ici là, il y a tout de même un risque important pour que le dégazage de Chury, déjà effectif depuis plusieurs semaines, se soit intensifié au point de d'altérer les panneaux solaires de Philae ou même carrément de l'expulser dans l'espace. En août dernier, Chury possédait déjà une chevelure de plus de 19 000 km, comme l'a montré le VLT , le Very Large Telescope européen situé au Chili.

Dégazage de Chury en octobre 2014 (photo prise par Rosetta)

Même si Philae, qui a tout de même réussi l'exploit de se poser sur Chury et a fait 80% de sa feuille de route, ne représente que 20% de la totalité de la mission Rosetta, laquelle fonctionne encore parfaitement alors que la comète se rapproche chaque jour un peu plus du Soleil, cette histoire de panneaux solaires insuffisamment éclairés laisse un sentiment mitigé. Une légère petite frustration dans l'enthousiaste fan club de Philae.

Encore une fois, bravo à l'ESA pour le travail accompli, mais...pourquoi ne pas avoir tout simplement équipé Philae d'une petite pile nucléaire du type RTG (Générateur Thermoélectrique à Radioisotope) à l'instar de tant d'autres sondes spatiales (Voyager, Curiosity, Cassini Huygens, Galileo, New Horizons, Deep space, et même les missions Apollo,..) ?
Et pourquoi avoir choisi uniquement l'assistance gravitationnelle pour que Rosetta atteigne Chury en 10 ans alors qu'avec les moyens classiques (comme Curiosity sur Mars), moins d'un an aurait été nécessaire ?

En 20 ans, la technologie a tellement évolué que les caméras des meilleurs smartphones d'aujourd'hui ont une meilleure définition que celles qui équipent Philae...




Une sorte d'intégrisme écolo ?

Le choix des panneaux solaires pour Philae a probablement été guidé par le refus d'utiliser une pile nucléaire, même si ce dispositif très simple et très fiable et quasi-inépuisable à base d'une substance chauffante radioactive et de thermocouples fabriquant l'électricité et à mille lieux d'une centrale nucléaire basée sur une réaction en chaîne, bien plus complexe à maîtriser.

Airbus Defense and Space (ex Astrium) avait d'ailleurs bien insisté sur le fait que c'était "la première sonde spatiale moderne à aller aussi loin sans pile nucléaire".

Le principal risque évoqué pour une sonde spatiale RTG est celui d'une éventuelle explosion de la fusée au décollage.

Mais dans ces conditions, que dire alors de tous les satellites espions dotés de cette technologie et envoyés régulièrement par toutes les puissances spatiales du monde depuis de très nombreuses années ?

Même les missions Apollo en étaient dotées à l'époque.



Pourquoi le grand public (quand même plus de 340 000 fans sur son compte twitter) devrait-il se résigner à voir ce sympathique Philae s'auto-hiberner parce que ses panneaux solaires ne sont pas alimentés et qu'il manque déjà d'énergie au bout de seulement 3 jours ?



Les missions spatiales actuelles et futures. Beaucoup ont des piles RTG.


Le même phénomène se produit malheureusement désormais dans les choix technologiques de nos dirigeants pour la France en matière de production énergétique: on supprime le nucléaire pour mettre des énergies renouvelables un peu partout.

Certes, les énergies renouvelables doivent être utilisées dès que possible: barrages, usines maré-motrices, bio masse, etc... sont des sources d'énergies fiables et prévisibles  qu'il faut implanter partout où on le peut. 

Il est également indéniable que l'énergie nucléaire peut être terriblement dangereuse si elle n'est pas correctement maîtrisée.

Mais pourquoi vouloir définitivement tirer un trait dessus, sans au contraire essayer de continuer à la sécuriser davantage, alors que notre pays a acquis un savoir faire reconnu mondialement dans ce domaine, que cette énergie ne participe pas au réchauffement climatique, qu'elle subvient aux besoins du pays, qu'elle produit une des électricités les plus stables du monde en tension et en fréquence, et qu'on arrive même à en exporter ?

Pendant ce temps là, les USA ou la Chine font le choix inverse et construisent désormais des centrales nucléaires qu'ils réussiront peut être même à nous vendre le jour où nos dirigeants auront compris - mais bien trop tard - leur gigantesque erreur.

Car d'ici là, nos ingénieurs et techniciens du nucléaire seront partis à la retraite sans transmettre leur savoir faire, on achètera alors des centrales chinoises ou bien pour être certains d'avoir de l'électricité avec nos centrales solaires et toutes les polluantes centrales à charbon du coin qui assombriront chaque jour un peu plus le ciel, on fera comme pour Philae: on attendra l'été.

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